Vendredi 19 juillet 2013, s’est tenue ce qui sera peut-être connu dans quelques année comme la première discussion sur de « l’Open Déchet » dans les lieux comme les hackerspaces, fablabs, open ateliers ou ressourceries. La problématique étudiée était celle de « Comment gérer les déchets dans les lieux de réappropriation des savoirs et techniques ? » Nous n’étions que peu nombreux et quelque part heureusement puisque nos échanges ont duré près de … 4h. Regards croisés à partir d’expériences de terrain dans les lieux tels que les hackerspaces, les fablabs et les ressourceries.
Le lieu de réunion choisi n’était pas anodin puisqu’il s’agissait du Mozilab. Du fait de sa proximité avec la Collecterie de Montreuil, du profil de la future « Fabmanageuse » très impliquée dans la récup’, et du questionnement du lieu sur cette problématique, c’était une évidence que d’y tenir une réunion.
Quelles sont les questions qui ont été débattues ?
1. La responsabilité en matière de déchets ?
« L’élimination des déchets produits par les ménages est de la compétence et de la responsabilité des communes, alors que l’élimination des déchets industriels banals est de la responsabilité du producteur de déchets (artisan, commerçant,…). » http://www.ademe.fr/midi-pyrenees/a_1_01.html Mais quid des déchets qui seront générés dans les lieux tel que les Fablabs ou ceux qui le sont par des structures associatives ?
2. Le déchet, nuisance et/ou ressource financière ?
Si souvent le déchet est vu comme une nuisance, il est parfois synonyme de ressources. Par exemple, certains sous ensembles de déchets d’équipements électriques et électronique comme les moteurs d’imprimantes à jet d’encre peuvent servir à la création d’une imprimante 3D. Ainsi les structures où il est possible de fabriquer des objets peuvent contribuer à traiter des déchets. Or,
le traitement des déchets coûte cher. Dans un billet publié en 2011, l’Ordif relevait que « l’ADEME a par ailleurs évalué à 6,1 milliards d’euros le coût aidé TTC de la gestion des déchets ». http://www.ordif.com/public/article_archiver/?id=15382 Y-a-t-il un moyen pour ces structures qui utilise du déchet de bénéficier de cette manne financière ?
3. La revalorisation, une fausse bonne idée ?
Force est de constater qu’il y a parfois certains objets qu’il aurait mieux valu laisser dans la rue. En effet, le bilan écologique d’une revalorisation peut parfois être négatif à force d’ajout de vernis et autres couches de green washing pour attraper le bobo et le faire payer plus cher un objet. Se pose-ton toujours la question de la limite à ne pas dépasser lorsqu’on revalorise un objet récupéré ?
4. Comment évaluer la quantité de déchets traités/utilisés et celle générée ?
Si les discussions portaient originellement sur les lieux de réappropriation des savoirs et techniques, il a été décidé d’élargir le questionnement aux ressourceries. La balance est un élément essentiel dans les ressourceries pour évaluer la quantité de déchets traités même s’il existe un fichier d’objets répertoriés avec leur valeur équivalence poids.
Une autre piste explorée par Electrocycle – l’Asso D3E était la constitution de dépots de notices d’identification des équipements électriques et électroniques avec notamment le poids et le numéro de modèle. Un catalogue donc qui permettrait d’offrir une tracabilité de chaque D3E traité. La difficulté, c’est l’alimentation de cette base puisqu’aucune ressourcerie n’aurait le temps de cataloguer. D’autant que cataloguer des éléments voués à disparaître peut representer beaucoup de travail pour un intérêt limité. D’où l’idée de partager ce travail avec d’autres acteurs dans le cadre d’un réseau élargi autour des D3E.
5. Pourquoi s’interroger sur l’évaluation de la quantité de déchets traités ?
C’est en fonction du poids (la masse devrait-on dire) des déchets traités que de l’argent est versé.
Pour info, « l’évaluation du tonnage des déchets traités dans les ressourceries n’a pas qu’un but mercantile, il est là pour communiquer en toute transparence avec ses partenaires ; il permet de piloter l’activité et donne la possibilité de répondre à des objectifs mesurables grâce à des outils d’évaluation pour chacune des activités de la Ressourcerie.
Ces résultats permettent d’être diffusés à l’ensemble des parties prenantes impliquées dans le projet (décideurs politiques, techniciens, bénéficiaires). Cela encourage à se positionner sur une démarche de progrès (la structure se faisant auditer tous les 2 ans).
Enfin, l’activité est inscrite dans le schéma de prévention et de gestion des déchets du territoire, au sens technique et juridique du terme et à ce titre la traçabilité des actions mises en œuvre semble justifiée. » AMP
6. Quelles filières pour écouler les déchets non utilisables ?
S’il existe officiellement des filières dédiées, on peut parfois au regard des quantités de déchets débarqués en dehors de nos frontières se questionner sur leur efficience. Ne vaudrait-il pas mieux privilégier des circuits courts entre le producteur de déchets et celui qui infine le traitera ?
Le déchet de certains étant parfois la ressource pour d’autres, la vrai bonne question semble être de s’interroger sur le « c’est quoi tes déchets ? »
7. Quels traitements possibles sur un mode fait le toi-même ?
Pour une piste sur le recyclage de certains plastiques : http://usinette.org/projets/broyeuse-extrudeuse-domestique/ . Le procédé est-il efficace et pertinent en y intégrant une réflexion sur la quantité d’énergie nécessaire ? Est-il facilement reproductible ?
8. Un accord entre hackerspaces/fablabs et ressourceries est-il envisageable ?
Voici d’abord certaines des objections qui pourraient être faites et que nous avons entendues tout au long de la conduite du projet D3E.
- L’un des principes fondateur des hackerspaces, c’est le fait le toi-même. Acheter dans une ressourcerie, cela demeure un acte de consommation.
Que pourrait répondre à cela une ressourcerie ? « Etre usager de la Ressourcerie signifie avant tout participer activement à la filière réemploi, tant au moment de la collecte (précautions prises pour préserver l’état des objets) qu’au moment de l’aboutissement de la filière, grâce à l’achat. Donc consommer dans une Ressourcerie c’est participer à réduire les tonnages à l’incinération et l’enfouissement de déchets d’une part et par voie de conséquence éviter la consommation de nouvelles matière première. Par ailleurs les actions de sensibilisation au travers divers ateliers de création ou de réparations donnent les outils permettant d’appréhender les potentialités de nos déchets et d’apprendre et réaliser soi-même des produits. Il y aurait ainsi partage de cette même logique du fait le toi-même. » AMP - La revalorisation en ressourcerie est le fait d’individus ou de groupes de personnes qui ont fourni un travail. Or les prix pratiqués – extrêmement bas – dans les ressourceries ne semblent pas compatibles avec une juste rémunération des travailleurs.
D’un point de vue ressourcerie. « la Ressourcerie est structurée sur une économie mixte : une part de ressources publiques pour son utilité publique, et d’autre part de ressources privées (logique de marché, de services et vente de produits et matières). Elle intervient aussi dans le secteur non marchand (partenariat avec le secteur caritatif, intégration dans une dynamique citoyenne). » AMP
Les prix pratiqués n’intègrent donc pas les subventions versées par les collectivités publiques. - Les personnes qui se réunissent dans les hackerspaces ne travaillent pas. Elles apprennent par elles-mêmes et s’échangent des informations entre pairs. Elles ne fournissent pas de services. Et ne pratiquent la réparation ou la réutilisation de pièces détachées que pour leurs besoins propres.
- Pourquoi acheter des déchets alors que les hackers sont également dans la récup’ ?
- Pourquoi « travailler » bénévolement pour une ressourcerie ?
Au delà de ce qui peut séparer, il y a toujours des points de convergences. L’un deux, c’est le déchet, appréhendé sous l’angle de la ressource ou du déchet ultime dont il faudra se « débarrasser ».
Les différences peuvent également être appréhendées sous l’angle de la complémentarité. En réunissant les forces spécifiques et respectives et en mutualisant les moyens de chacun pour obtenir un maillage fédérateur, il y aurait beaucoup à gagner sans pour autant perdre personnalités et raison d’être. L’hybridation – terme employé par Anne-Marie – pourrait être une voix intéressante. Par exemple, les ressourceries n’ont pas toujours le temps ou les compétences pour proposer des ateliers de valorisation ou de la sensibilisation sur les D3E.
Pratiquement, un échange n’est pas nécessairement monétaire. D’autres formes existent comme le troc ou l’échange de services… Alors, prêt pour imaginer une ressourcerie 2.0 ?
9. Si un accord entre hackerspaces/fablabs et ressourceries est possible, quelle logistique à mettre en place ?
La collecte de déchets implique de la logistique. Plus le réseau est grand, plus la logistique est importante et nécessite une bonne concertation entre les individus pour « optimiser les coûts » et réduire « l’empreinte écologique ».
Le 20/07/2013
Mise à jour au 23/07/2013
CD – AMP